Page:Hugo Œuvres complètes tome 5.djvu/348

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toutes les princesses de l’Europe m’envient d’avoir épousé le meilleur chevalier de la chrétienté. Et moi je vous aime vraiment comme si j’avais dix-huit ans. Vous savez que je vous aime, n’est-ce pas, Alphonse ? Vous n’en doutez jamais au moins. Je suis froide quelquefois, et distraite ; cela vient de mon caractère, non de mon cœur. Écoutez, Alphonse, si votre altesse m’en grondait doucement, je me corrigerais bien vite. La bonne chose de s’aimer comme nous faisons ! Donnez-moi votre main, — embrassez-moi, don Alphonse ! — En vérité, j’y songe maintenant, il est bien ridicule qu’un prince et une princesse comme vous et moi, qui sont assis côte à côte sur le plus beau trône ducal qui soit au monde, et qui s’aiment, aient été sur le point de se quereller pour un misérable petit capitaine aventurier vénitien ! Il faut chasser cet homme, et n’en plus parler. Qu’il aille où il voudra, ce drôle, n’est-ce pas, Alphonse ? Le lion et la lionne ne se courroucent pas d’un moucheron. — Savez-vous, monseigneur, que si la couronne ducale était à donner en concours au plus beau cavalier de votre duché de Ferrare, c’est encore vous qui l’auriez. — Attendez, que j’aille dire à Bautista de votre part qu’il ait à chasser au plus vite de Ferrare ce Gennaro !