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[LA REINE CHRISTINE.]


1843.

Avant-hier, vendredi 8 décembre, la reine Christine d’Espagne se promenait aux Tuileries.

Je l’ai vue passer. Elle était vêtue d’une robe de mousseline transparente, laissant voir un dessous bleu-ciel. Elle avait un chapeau de velours violet. C’est une personne d’une quarantaine d’années, assez belle encore. Elle a beaucoup d’embonpoint, et marche en se dandinant comme j’ai vu faire à M. le duc d’Angoulême. Elle a de beaux yeux et va la tête levée.

Au moment où elle passait près de moi, me voyant arrêté et l’œil fixé sur elle, elle m’a jeté un beau et fier regard de reine. Deux hommes l’accompagnaient sans lui donner le bras. Celui qui était à sa gauche, assez gros homme à favoris, cheveux, moustaches et sourcils noirs, est Muñoz, son mari. Ce Muñoz est une façon de Bergami.

La reine parlait très haut et avec beaucoup de vivacité. Elle venait de la terrasse des Feuillants, et a longé la façade du château jusqu’à la grille du bord de l’eau. Là, elle a trouvé sa voiture qui l’attendait. Elle y est montée seule avec Muñoz. L’autre cavalier a salué profondément en prenant congé de la reine, et s’en est allé par le Pont-Royal, tandis que la voiture suivait le quai vers les Champs-Élysées.