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Moi. — Non.

M. Viennet. — C’est très bien.

Moi. — Vraiment, c’est bien ?

M. Viennet. — C’est plus que bien, c’est beau.

Moi. — Vraiment, c’est beau ?

M. Viennet. — C’est plus que beau, c’est magnifique.

Moi. — Vraiment, là, magnifique ?

M. Viennet. — Oh ! magnifique !

Moi. — Voyons, cela vaut-il Zaïre ?

M. Viennet. — Oh ! non ! Oh ! comme vous y allez ! Diable ! Zaïre ! Non, cela ne vaut pas Zaïre.

Moi. — C’est que c’est bien mauvais, Zaïre !

1847.




III


Séance du 23 novembre 1843.

Charles Nodier. — L’Académie, cédant à l’usage, a supprimé universellement la consonne double dans les verbes où cette consonne suppléait euphoniquement le d du radical ad.

Moi. — J’avoue ma profonde ignorance. Je ne me doutais pas que l’usage eût fait cette suppression et que l’Académie l’eût sanctionnée. Ainsi, on ne devrait plus écrire atteindre, approuver, appeler, appréhender, etc., mais ateindre, aprouver, apeler, apréhender. Si l’Académie et l’usage décrètent une pareille orthographe, je déclare que je n’obéirai ni à l’usage ni à l’Académie.

M. Victor Cousin. — Je ferai observer à M. Hugo que les altérations dont il se plaint viennent du mouvement de la langue, qui n’est autre chose que la décadence.

Moi. — M. Cousin m’ayant adressé une observation personnelle, je lui ferai observer à mon tour que son opinion n’est, à mes yeux, qu’une opinion, et rien de plus. J’ajoute que, selon moi, mouvement de la langue et décadence sont deux. Rien de plus distinct que ces deux faits. Le mouvement ne prouve en aucune façon la décadence. La langue, depuis le jour de sa première formation, est en mouvement ; peut-on dire qu’elle est en décadence ? Le mouvement, c’est la vie ; la décadence, c’est la mort.