Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/128

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ses bras charnus terminés par des poings de boucher. Je m’aperçus que la vieille était robuste et formidable.

Elle se tourna vers moi et ouvrit ses yeux. Je ne les vis pas.

— Monsieur, me dit-elle d’une voix très douce, qui demandez-vous ?

Au moment d’adresser la parole à cet être, j’éprouvai la sensation qu’on aurait en présence d’une truie à laquelle il faudrait dire : Madame.

Je ne savais trop que répondre et je cherchais dans mon esprit. En cet instant, mon regard errant du côté de la fenêtre tomba sur une espèce de tableau suspendu au dehors comme une enseigne. C’était une enseigne en effet, une peinture représentant une jeune et jolie femme décolletée, coiffée d’un immense chapeau à panache, et tenant un enfant dans ses bras ; le tout dans le style des devants de cheminée du temps de Louis XVIII. Au-dessous du tableau se détachait cette inscription en grosses lettres :


Mme  bécœur
Sage-femme
SEIGNE ET VAXINE

— Madame, dis-je, je demande Mme  Bécœur.

La truie métamorphosée en femme me répondit avec un sourire aimable :

— C’est moi-même, monsieur.