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FAITS CONTEMPORAINS.


I


12 août.

On a remarqué à Notre-Dame un chiffonnier qui y vient entendre la messe tous les matins. Il dépose à la porte sa hotte et son crochet, entre dans l’église et prie dévotement. De temps en temps il donne à la loueuse de chaises une pièce de dix sous en la priant de mettre cette pièce dans le tronc des pauvres. Dans les commencements, la femme lui disait : — Que ne la mettez-vous vous-même ? — Il répondit : Non, si l’on me voyait approcher du tronc vêtu comme je suis, on croirait que je veux voler.

Il y a à Douai un bourreau qui est un homme particulier. Il a pris au sérieux sa qualité légale de fonctionnaire public, et chaque fois qu’il rencontre un employé quelconque, un professeur du collège, ou le maire, ou le sous-préfet, il le salue comme collègue. On lui rend son salut. Tous les dimanches il va à la messe, mais il n’entre pas dans l’église et se tient à la porte, quelque temps qu’il fasse, tête nue. Chaque fois qu’il met un homme à mort, il fait dire une messe pour le repos de son âme.

Charlot, l’ancien bourreau de Paris qui a laissé son nom à la rue où il demeurait (rue Charlot au Marais), avait aussi ses singularités. Il demeurait dans une petite maison solitaire dont on voit encore le balcon au coin de la rue Charlot et de la rue de Normandie. Il était riche. Il avait dans sa maison, au rez-de-chaussée, une grande table de douze couverts, servie tous les jours et où venaient manger sans payer douze chevaliers de Saint-Louis pauvres. Charlot n’entrait jamais dans cette salle.




II

LE PRINCE ROYAL DE BAVIÈRE.


Août 1846.

Le prince royal de Bavière est en ce moment à Paris. Il est venu chez moi et ne m’a pas trouvé ; M. le baron de Bourgoing, ministre de France à Munich, me l’a dit l’autre jour à la Chambre des pairs. Hier, je suis allé voir