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Ceci commença la fortune de l’homme. Au retour de l’île d’Elbe, Mme  Pellapra, encore fort jolie, se trouvait à Lyon quand l’empereur y entra. L’empereur y resta trois jours dont il passa les trois nuits avec Mme  Pellapra. C’est elle qui le raconte à l’heure qu’il est.


La foule était plus grande encore ces deux jours-ci. L’anxiété est inexprimable parmi les spectateurs. Si Pellapra reparaît, le jour se fera. Je souhaite ardemment que Teste soit innocent, et innocent, qu’il soit sauvé.

Après l’audience d’hier, je l’ai suivi des yeux comme il s’en allait. Il a traversé lentement et tristement les bancs de la pairie, regardant à droite et à gauche ces fauteuils sur lesquels peut-être il ne s’asseoira plus. Deux huissiers, qui le gardaient, marchaient l’un devant, l’autre derrière lui.


5e journée, — 12 juillet.

Nouvelles pièces[1]. — Changent encore la face de l’affaire, chargent Teste. Le général Cubières se lève et ajoute foi à ces pièces. — Teste répond avec énergie et hauteur, mais il faiblit pourtant. Sa bouche se contracte. Il me fait mal. Je commence à trembler qu’il ne nous ait tous trompés. Parmentier écoute, presque avec un sourire, les deux mains croisées négligemment sur ses bras. — Teste se rassied et prend force prises de tabac dans sa grande tabatière de buis, puis s’essuie la sueur du front avec un foulard rouge. — La cour est profondément émue.

— Je juge de ce qu’il souffre par ce que je souffre moi-même, me dit M. de Pontécoulant.

— Quel supplice ! dit le général Neigre.

— C’est un coup de guillotine qui tombe lentement, dit Bertin de Vaux.

L’anxiété est au comble dans la cour et le public. On ne veut pas perdre un mot. Les pairs crient à tous ceux qui prennent la parole : Plus haut ! plus haut ! on n’entend pas ! — Le chancelier prie la cour de considérer ses quatre-vingts ans.

Il fait une chaleur insupportable.

Cubières a deux avocats, dont Baroche ; Teste deux avocats. Mes Paillet et Dehans. Parmentier, un avocat, nommé Benoît-Champy. En outre quinze avocats sont assis derrière eux. Plus le fils de Teste, homme d’une quarantaine d’années, chauve, député.

  1. Lettre de Mme  Pellapra signée Émilie Pellapra. — Six billets de Teste, reconnus par lui (il les a pris d’une main tremblante et a dit : C’est de moi. — Extraits de bordereaux de Pellapra paraissant constater la remise des 93 000 francs à Teste. (Note de Victor Hugo.)