Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/285

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Comme nous sortions, et que nous étions au vestiaire, Anatole de Montesquiou, qui a constamment voté dans le sens le plus humain m’a fait remarquer, dans le deuxième compartiment du vestiaire, près de celui où je m’habille, un vieil habit de pair suspendu à côté de l’habit du ministre de l’instruction publique. Cet habit était usé aux coudes, les boutons dédorés, les broderies fanées ; un vieux ruban de la Légion d’honneur était à la boutonnière, plus jaune que rouge et à demi dénoué. Au-dessus de cet habit était inscrit, selon l’usage, le nom de celui auquel il appartenait : M. Teste.

Les pairs magistrats étaient consternés que Cubières n’eût pas de prison. Voilà un arrêt bien bizarre ! disaient-ils, la dégradation et la liberté ! Et puis que faire maintenant de Parmentier ? — Je leur ai dit : — Vous avez trop tendu la corde, elle a cassé. Vous avez pesé sur la cour pour obtenir la dégradation civique ; la pitié a réagi et vous a refusé la prison. C’est bien fait.




17 juillet.

Suite de la délibération intérieure. — Appel nominal à midi.

Parmentier.

M. le chancelier fait lire deux lettres de Parmentier, en date d’hier et de ce matin. Dans la première, Parmentier supplie la cour de lui tenir compte de son douloureux étonnement lorsqu’il a vu M. Teste évidemment coupable, étonnement qui prouve son innocence à lui Parmentier ; dans la seconde il supplie la cour de considérer que tout au plus avait-il voulu corrompre pour une concession de 14 kilomètres, et que, la concession n’ayant pas été obtenue, le crime n’a pas été commis ; que du reste rien ne prouve que les 94 000 francs donnés par Pellapra aient été donnés pour Gouhenans, que Teste et Pellapra avaient nécessairement bien d’autres affaires et qu’enfin il est avec un profond respect, etc.

Ces lettres lues, on a commencé le tour d’opinion.

La dégradation civique. 10 000 francs d’amende. Pas de prison.



Mon opinion est que le public trouvera l’arrêt de la cour des pairs juste pour Teste, dur pour Cubières, doux pour Parmentier.

À quatre heures et demie, les portes ont été ouvertes au public. Une foule immense attendait depuis le matin. En un instant, les tribunes ont été tumultueusement remplies. C’était comme un flot.