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publicains notoires, M. Bastide, M. Hetzel, l’éditeur, et M. Bocage, l’éminent comédien qui a créé le rôle de Didier dans Marion de Lorme. Tous quatre se rendirent à la Chambre des députés. Ils y trouvèrent Lamartine et allèrent conférer avec lui dans les bureaux.

Ils parlèrent l’un après l’autre, ils dirent leurs convictions et leurs espérances : ils seraient heureux de penser que Lamartine était avec eux pour la réalisation immédiate de la République. S’il jugeait pourtant que la transition de la Régence était nécessaire, ils lui demandaient, du moins, de les aider à obtenir des garanties sérieuses contre tout retour en arrière. Ils attendaient avec émotion sa décision dans ce grand arbitrage.

Lamartine écouta silencieusement leurs raisons, puis les pria de vouloir bien le laisser se recueillir pendant quelques instants. Il s’assit à l’écart devant une table, prit sa tête dans ses mains et songea. Les quatre consultants, debout, le regardaient respectueusement en silence. Minute solennelle. — Nous écoutions passer l’histoire, me disait Bocage.

Lamartine redressa la tête et leur dit : — Je combattrai la Régence.


Un quart d’heure après, la duchesse d’Orléans arrivait à la Chambre, tenant par la main ses deux fils, le comte de Paris et le duc de Chartres. M. Odilon Barrot n’était pas auprès d’elle. Le duc de Nemours l’accompagnait.

Elle était acclamée par les députés. Mais, la Chambre dissoute, y avait-il des députés ?

M. Crémieux montait à la tribune et proposait nettement un gouvernement provisoire. M. Odilon Barrot, qu’on était allé chercher au ministère, se montrait enfin et plaidait la cause de la Régence, mais sans éclat et sans énergie. Puis, voilà qu’un flot de peuple et de gardes nationaux, avec armes et drapeaux, envahissait la salle. La duchesse d’Orléans, entraînée par des amis, se retirait avec ses enfants.

La Chambre des députés alors s’évanouissait submergée sous une sorte d’assemblée révolutionnaire. Ledru-Rollin haranguait cette foule. Puis venait Lamartine, attendu et acclamé. Il combattit, comme il l’avait promis, la Régence.

Tout était dit. Les noms d’un gouvernement provisoire étaient jetés au peuple. Et, par des cris oui ou non, le peuple élut ainsi successivement : Lamartine, Dupont de l’Eure, Arago et Ledru-Rollin, à l’unanimité, Crémieux, Garnier-Pagès et Marie à la majorité.

Les nouveaux gouvernants se mirent aussitôt en route pour l’Hôtel de Ville.

À la Chambre des députés, dans les discours des orateurs, pas même