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THIERS ET MOLÉ.


Décembre 1848.

Deux hommes gênaient Louis Bonaparte à force de trop vouloir le servir, M. Thiers et M. Molé. Ils le servaient jusqu’à se substituer à lui. M. Molé représentait les vanités de tous les anciens pouvoirs groupés et coalisés autour du nouveau ; M. Thiers représentait les peurs de la bourgeoisie. Or, les vanités et les peurs, deux forces immenses, les mettre contre soi, c’était sombrer à coup sûr et avant peu. Louis Bonaparte voulut écarter les deux hommes, ce qui déjà était difficile, et les satisfaire en les écartant, ce qui était plus difficile encore. Il offrit à M. Thiers l’ambassade de Londres ; M. Thiers déclina l’offre avec hauteur. Il offrit à M. Molé l’ambassade d’Espagne, M. Molé répondit : Il y a vingt-huit ans que j’ai refusé cela.

Tous deux restèrent donc, froissés et mécontents, près de Louis Bonaparte inquiet.




Décembre 1848.

Une curiosité du moment qui s’écoule, c’est que Louis Bonaparte a pour ministre M. de Malleville qui, en 1840, le fit arrêter (étant sous-secrétaire d’État de l’intérieur) et, pour conseillers intimes, M. Thiers qui, comme président du conseil, le fit juger, et M. Molé qui, comme pair, le condamna.