Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

horrible, lui disait M. Pasquier ; mitrailler des inconnus, des gens qui ne vous ont fait aucun mal, des passants ! — Fieschi répliqua froidement : — C’est ce que font des soldats en embuscade.




On démolit en ce moment, boulevard du Temple, la maison Fieschi. La charpente du toit est dégarnie de tuiles. Les fenêtres sans vitres et sans châssis laissent voir l’intérieur des chambres. Au fond, par les croisées du coin de la cour, on aperçoit l’escalier que Fieschi, Pépin et Morey montèrent et descendirent tant de fois avec leur hideux projet dans l’esprit. La cour est encombrée d’échelles et de charpentes, et le rez-de-chaussée est enveloppé d’une palissade en planches. Ce qu’on distingue de la chambre de Fieschi semble avoir été orné et enjolivé par les différents locataires qui l’ont habitée depuis. Un papier semé d’un petit dessin verdâtre tapisse les murs et le plafond, sur lequel une cordelière, aussi en papier, dessine un Y. Ce plafond est, du reste, déjà entamé et largement lézardé par la pioche des maçons. Un estaminet qui occupait le rez-de-chaussée a dû déménager, ce qui fait qu’on lit cet avis sur un écriteau appliqué à la palissade d’en bas :


Le rendez-vous de la Gaîté est même boulevard, no 40.
18 avril 1842.




Il y a en ce moment un jeune médecin, nommé le docteur Deboret, qui a dans la bouche une dent de Fieschi. Ayant été chargé de l’autopsie, il eut la tête en son pouvoir. Les dents lui parurent belles, et il en prit une pour remplacer une molaire qui lui manquait. Il la montre à qui veut la voir.

1844, mars.