Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/169

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J’ai revu aujourd’hui, après tant d’années, Théophile Gautier. Je l’ai embrassé. Il avait un peu peur. Je lui ai dit de venir dîner avec moi.


14 octobre. — Le château de Saint-Cloud a été brûlé hier par nos bombes du Mont-Valérien.

J’ai été chez Claye corriger les dernières épreuves de l’édition française des Châtiments qui paraît mardi. Émile Allix m’a apporté un boulet prussien ramassé par lui derrière une barricade, près de Montrouge, où ce boulet venait de tuer deux chevaux. Ce boulet pèse 25 livres. Georges, en jouant avec, s’est pincé le doigt dessous, ce qui l’a fait beaucoup crier.

Aujourd’hui, anniversaire d’Iéna !


16 octobre. — Il n’y a plus de beurre. Il n’y a plus de fromage. Il n’y a presque plus de lait ni d’œufs.

Il se confirme qu’on donne mon nom au boulevard Haussmann. Je n’ai pas été voir.


17 octobre. — Demain on lance place de la Concorde un ballon-poste qui s’appelle le Victor Hugo. J’envoie par ce ballon une lettre à Londres.


18 octobre. — On m’a distribué en passant sur le boulevard l’adresse sur carte d’un magasin de machines à coudre, Bienaimé et Cie boulevard Magenta, 46. Derrière la carte il y a mon portrait.

Je suis allé voir les Feuillantines. La maison et le jardin de mon enfance ont disparu. Une rue passe dessus.


19 octobre. — Louis Blanc est venu dîner avec moi. Il m’a apporté à signer une déclaration des anciens représentants. J’ai dit que je ne la signerais qu’autrement rédigée.


20 octobre. — Visite du Comité des gens de lettres.

Aujourd’hui on a mis en circulation les premiers timbres-poste de la République de 1870.

Les Châtiments (édition française) ont paru ce matin à Paris.

Les journaux annoncent que le ballon Victor Hugo est allé tomber en Belgique. C’est le premier ballon-poste qui a franchi la frontière.


21 octobre. — On dit qu’Alexandre Dumas est mort le 13 octobre au Havre, chez son fils. Il avait de grands côtés d’âme et de talent. Sa mort m’a serré le cœur.