Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/338

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Ces deux géantes en viennent aux mains. De quel côté est la voie de fait impie ?

Cela s’est-il jamais vu ? Oui. C’est presque un fait normal. Paris s’en va seul, la France suit de force, et irritée ; plus tard elle s’apaise et applaudit ; c’est une des formes de notre vie nationale. Une diligence passe avec un drapeau ; elle vient de Paris. Le drapeau n’est plus un drapeau, c’est une flamme, et toute la traînée de poudre humaine prend feu derrière lui.

Vouloir toujours ; c’est le fait de Paris. Vous croyez qu’il dort, non, il veut. La volonté de Paris en permanence, c’est là ce dont ne se doutent pas assez les gouvernements de transition. Paris est toujours à l’état de préméditation. Il a une patience d’astre mûrissant lentement un fruit. Les nuages passent sur sa fixité. Un beau jour, c’est fait. Paris décrète un événement. La France, brusquement mise en demeure, obéit.

C’est pour cela que Paris n’a pas de conseil municipal.

Cet échange d’effluves entre Paris centre, et la France sphère, cette lutte qui ressemble à un balancement de gravitations, ces alternatives de résistance et d’adhésion, ces accès de colère de la nation contre la cité, puis ces acceptations, tout cela indique nettement que Paris, cette tête, est plus que la tête d’un peuple. Le mouvement est français, l’impulsion est parisienne. Le jour où l’histoire, devenue de nos jours si lumineuse, donnera à ce fait singulier la valeur qu’il a, on verra clairement le mode d’ébranlement universel, de quelle façon le progrès entre en matière, sous quels prétextes la réaction s’attarde, et comment la masse humaine se désagrège en avant-garde et en arrière-garde, de telle sorte que l’une est déjà à Washington, tandis que l’autre est encore à César.

Sur ce conflit séculaire, et si fécond en émulation, de la nation et de la cité, posez la révolution, voici ce que donne ce grossissement : d’un côté la Convention, de l’autre la Commune. Duel titanique.

Ne reculons pas devant les mots, la Convention incarne un fait définitif, le Peuple, et la Commune incarne un fait transitoire, la Populace. Mais ici la populace, personnage immense, a droit. Elle est la Misère, et elle a quinze siècles d’âge. Euménide vénérable. Furie auguste. Cette tête de Méduse a des vipères, mais des cheveux blancs.

La Commune a droit ; la Convention a raison. C’est là ce qui est superbe. D’un côté la Populace, mais sublimée ; de l’autre, le Peuple, mais transfiguré. Et ces deux animosités ont un amour, le genre humain, et ces deux chocs ont une résultante, la Fraternité. Telle est la magnificence de notre révolution.

Les révolutions ont un besoin de liberté, c’est leur but, et un besoin d’autorité, c’est leur moyen. La convulsion étant donnée, l’autorité peut