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AVANT-PROPOS


I


Victor Hugo, dans les Feuilles d’automne, nous a dit lui-même ce que sont ces Lettres :

Ô mes lettres d’amour, de vertu, de jeunesse,
C’est donc vous ! Je m’enivre encore à votre ivresse,
Je vous lis à genoux.
Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge !
Laissez-moi me cacher, moi l’heureux et le sage,
Pour pleurer avec vous !

J’avais donc dix-huit ans ! j’étais donc plein de songes !
L’espérance en chantant me berçait de mensonges.
Un astre m’avait lui !
J’étais un dieu pour toi qu’en mon cœur seul je nomme !
J’étais donc cet enfant, hélas ! devant qui l’homme
Rougit presque aujourd’hui !

Ô temps de rêverie, et de force, et de grâce !
Attendre tous les soirs une robe qui passe !
Baiser un gant jeté !
Vouloir tout de la vie, amour, puissance et gloire !
Être pur, être fier, être sublime, et croire
À toute pureté !

Les voici, ces « lettres d’amour, de vertu de jeunesse », elles ont été précieusement conservées par « la fiancée » ; — les voici, à la fois chastes et ardentes, ingénues et graves, pleines d’enfantillages et pleines de pensées ; les voici, toutes palpitantes de désir, toutes saignantes de jalousie, avec leurs exaltations, leurs découragements, leurs plaintes, leurs joies, leurs gronderies, leurs caresses, leurs grosses querelles suivies de délicieux raccommodements. Elles n’étaient pas écrites, certes, pour être lues par d’autres yeux que ceux de l’aimée : il lui recommandé à maintes reprises de les brûler ; elles en sont d’autant plus précieuses et rares. On n’a pas souvent à saisir dans sa spontanéité, dans sa sincérité, et comme à sa source fraîche et secrète, un pareil amour, si pur et si profond.