Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/20

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Vendredi, 25 février[1].

Maintenant que nous sommes réconciliés, mon Adèle, j’espère que tu me diras quels sont mes torts envers toi et pour quel motif tu paraissais hier soir être mécontente de ton mari. Je ne veux pas revenir sur une soirée qui a été bien pénible pour moi puisque, privé du plaisir de te voir, après avoir été forcé de déguiser sous une gaîté affectée la peine que me causait ton absence, je ne t’ai point trouvée à ton retour de chez Mlle Rosalie telle que je m’attendais à te voir. Il faut que tu m’aies retiré en grande partie ton affection pour m’avoir retiré ta confiance, et le peu de mots que tu m’as dit relativement à tes lettres m’a trop fait voir que tu doutais (pour ne pas dire plus) de ma loyauté, de ma bonne foi. Si tu ne m’aimes plus, dis-le-moi. Je pense qu’il doit t’être affreux de te perdre (J’emploie tes expressions) pour un malheureux qui t’est devenu indifférent. Écoute, Adèle, il en est temps encore, tu peux parler, je te rendrai, quoique bien à regret, les papiers qui paraissent t’inquiéter ; tu seras libre alors de faire disparaître toutes les traces de notre union, et moi, je cesserai de te voir, si je ne puis cesser de t’aimer. Peut-être alors mon inviolable silence pendant le temps qu’il me restera à vivre, te convaincra de ma discrétion et de ma bonne foi. Voilà, si tu ne m’aimes plus, le parti qu’il est de mon devoir de prendre.

Cependant, mon Adèle, si je puis espérer, d’après les derniers mots que tu m’as adressés hier au soir, que tu n’as pas encore perdu toute estime et toute amitié pour ton mari, je t’invite à réfléchir un instant avant d’adopter ce parti, si désolant pour moi. Je dis plus, j’aime à croire que l’aversion que tu m’as montrée hier n’avait peut-être que des motifs légers et qui ne peuvent empêcher notre réconciliation d’être durable. J’ai sans doute moi-même manifesté quelque humeur de ton absence, et mon mécontentement (mal fondé mais excusable) a pu provoquer le tien. Ta lettre, si douce et si confiante, achève de me calmer. Plus je la relis, et plus j’espère.

  1. Inédite.