Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/201

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Je voudrais, mon Adèle adorée, pouvoir te dire tout ce qui se passe dans mon âme en ce moment. Tu ne me répéterais plus, comme tu le fais trop souvent, que tu es malheureuse. Je voudrais pouvoir saisir la vague et douce rêverie où me jette cet instant de délice sitôt passé. Oh ! quand donc, ange, m’appartiendras-tu devant tous les hommes ! Quand pourrai-je à chaque instant du jour jouir de la félicité qui vient de m’échapper comme un songe, et d’un bonheur plus grand encore ! Je crois à peine à la vérité que ce soit possible, mais cela sera pourtant car un jour viendra où les alarmes de mon Adèle bien-aimée n’arrêteront plus mes caresses, et où peut-être elle daignera répondre à celles de son mari. Oh ! est-ce que je ne mourrai pas de bonheur alors ?

Je voudrais que tu pusses savoir quel idolâtre dévouement prosterne tout mon être devant le tien, avec quel sentiment profond de respect et d’amour je baiserais la poussière de tes pieds, oui, Adèle, rien de tout cela n’est exagéré, ce sont des vérités bien trop faiblement exprimées. Qu’ai-je donc fait de digne d’un Dieu pour être aimé de cet ange, de mon Adèle adorée ?

Adieu, mon bien, ma vie, ma joie, adieu, je t’embrasse et je t’embrasse encore.

Ton mari,
Victor.