Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/262

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Samedi, 9 heures du soir[1].

Mon Adèle, tu ne saurais croire quelle inquiétude j’ai emportée en te quittant. Hélas ! tu m’as laissé partir sans me dire ce que tu m’avais promis. Oh ! qui me rassurera ? Adèle, tu vas peut-être encore être sur pied cette nuit... Dieu ! grand Dieu ! que je suis malheureux ! tu m’as dit adieu la première, il a fallu me séparer de toi si brusquement que je n’ai pu trouver la possibilité de te demander ce qui devait me rendre la tranquillité ou me jeter la mort dans l’âme. Vingt fois en revenant et jusque sur mon escalier j’ai été sur le point de retourner chez toi sous un prétexte quelconque, afin d’obtenir de toi une parole qui me délivrât de cette insupportable inquiétude. Mon Adèle, Adèle, mon ange bien-aimé, où es-tu ? où es-tu ? Pourquoi n’es-tu pas là quand ton mari a tant besoin de ta présence ? Il est donc vrai qu’en faisant mon devoir ce soir j’ai mal fait ! J’ai dit ce que je devais te dire, mais combien je me repens maintenant que je vois... Mais n’est-il pas vrai, chère amie, que cette émotion n’aura pas de suite ? Je suis fâché que tu n’aies pas lu ma lettre, je t’avais écrit une partie de la nuit, j’y avais mis tout mon cœur, c’est dire que je t’en avais écrit long, mais qu’importe ! Tu m’aimes, je t’adore. Comment te porterais-tu mal ? Oh ! que je voudrais pouvoir couvrir de mes baisers toutes les parties de ton corps adoré ! Hélas ! il y a encore quinze heures au moins d’angoisse et d’anxiété avant que je te revoie. Mais je te reverrai bien portante, n’est-ce pas, n’est-ce pas, mon adorable Adèle, mon idole bien-aimée ?

Adieu, mille caresses de ton pauvre mari si inquiet[2].

  1. Inédite.
  2. Collection Louis Berthou.