Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/368

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longue. Je ne puis songer à ce déplorable malheur sans rendre grâce au ciel de ce que, puisqu’il nous était réservé, il n’est point arrivé du vivant de ma mère. Du moins cette inconsolable affliction lui a été épargnée et elle m’a été donnée, à moi, dans un moment où il fallait que quelque grande catastrophe vînt servir de contrepoids à mon bonheur : car autrement j’aurais été plus heureux qu’il n’appartient à l’homme.

J’ai vu avec un attendrissement profond les offres de service que vous voulez bien nous faire en cette triste conjoncture. Croyez à notre bien sincère reconnaissance. Les frais de cette maladie sont énormes à la vérités mais mon père s’en charge, et ce que nous aurons à faire pour notre frère n’est plus au-dessus de nos faibles moyens[1].

Faites des mauvais vers de M. d’Auverney tout ce que vous voudrez, mon excellent oncle, rendez à M. Victor Hugo tous les petits péchés de ce M. d’Auverney : tout ce que vous ferez sera bien fait[2]. Je lirai votre Lycée avec autant de plaisir que de curiosité, car je suis bien sûr qu’il vaudra mieux que tous nos recueils littéraires de Paris.

Je viens de publier ma deuxième édition, mon libraire s’est chargé de vous la faire parvenir. Serez-vous assez bon pour m’informer de son exactitude ? Adolphe me dit que vous êtes embarrassé de régler avec Pélicier ou avec[3]                pour le petit compte de M. Mellinet[4]. Comme j’ai arrêté mon règlement avec Pélicier[5], je prie M. Mellinet de vouloir bien compter avec moi. Ma décharge lui suffira.

Mille pardons, mon cher oncle, de tous ces détails fastidieux.

Je vous enverrai bientôt quatre volumes de prose[6]. En attendant, recevez ainsi que votre aimable famille, tous les souhaits bien ardents que fait pour votre bonheur éternel votre neveu dévoué et respectueux,

Victor.

Ma femme, M. et Mme  Foucher, Abel et notre pauvre malade me chargent de toutes leurs félicitations pour vous à l’occasion de la nouvelle année[7].

  1. Extrait d’une lettre de M. Trébuchet à son fils Adolphe :
    « Depuis longtemps, je craignais le nouveau malheur dont tu m’entretiens, et dans ma précédente lettre, tu as dû voir quelles étaient mes appréhensions relativement à l’état de mon pauvre neveu. Je voudrais être à Paris pour partager avec toi et ses frères les soins qu’exige sa triste situation. Surtout, faites en sorte qu’il ne manque de rien. Je me trouve fort gêné en ce moment ; néanmoins si ses frères ne pouvaient subvenir à ses dépenses, écris-le-moi, et je vendrai une portion de ma rente sur l’état. »
  2. Dans la même lettre, M. Trébuchet offrait de faire publier dans le Lycée armoricain les vers que Victor Hugo avait signés V. d’Auverney et qui avaient déjà paru dans le Conservateur littéraire.
  3. En brisant le cachet de la lettre, on a déchiré le nom.
  4. Libraire de Nantes.
  5. Éditeur des Odes et Poésies diverses, premier volume de vers de Victor Hugo.
  6. Han d’Islande.
  7. Le Figaro, 22 août 1888.