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de La Rochefoucauld ni le ministre de la Guerre. Le roi arrive aujourd’hui à midi. Notre camarade Alaux a fait un fort beau tableau qui figurera dans la salle du banquet. Nos amis sont toujours charmants. J’ai donné ma médaille d’académicien des Jeux floraux à Nodier qui désire beaucoup l’être ; et Cailleux, qui est nommé officier de la Légion, m’a donné sa petite croix de chevalier qui est charmante. Je te ferai faire connaissance avec eux tous à Paris, ainsi qu’avec notre député Emmin qui t’aime déjà et que tu aimeras beaucoup. Il a porté hier ta santé.

Remercie bien, mon Adèle, ta bonne mère Hugo de la petite robe qu’elle a donnée à Didine. Cela m’a touché au cœur. Comment va la dent du petit pipi ?

Embrasse bien nos bons parents. Adieu, mon Adèle adorée ; voici le moment où mes lettres deviendront plus rares et plus courtes ; le sacre a lieu demain. Ne t’inquiète de rien, et aime-moi. Le moment approche où je te reverrai. Il me semble que c’est là un de ces bonheurs dont on peut mourir. Adieu, ange[1].


À Madame Victor Hugo.


28 mai, 3 heures après-midi.

Ce que je vais t’écrire est pour toi seule, mon Adèle. Je viens de lire tes deux lettres[2] ; elles m’ont désolé. Je ne tiens plus à Reims, je suis sur des charbons ardents. Comment ! on te laisse seule, seule dans ton isolement ! On est froid et inattentif pour mon Adèle bien-aimée dans la maison de mon père ! Je ne suis pas indigné, chère ange, je suis profondément, oui, bien profondément affligé. Moi qui connais l’admirable douceur de ton caractère et la bonté sans bornes de mon père, je suis atterré de ce qui se passe là-bas. Ce ne sont pas des soins, des attentions que tu as droit de réclamer, c’est la tendresse et la sollicitude paternelle, c’est quelque chose de plus peut-être que mes propres soins. Mon pauvre et excellent père ! que ne lit-il ce qu’il y a dans mon cœur en ce moment, il y verrait quelle

  1. Bibliothèque nationale.
  2. Des 24 et 26 mai. Mme Victor Hugo s’y plaint du mauvais accueil de sa belle-mère, de sa froideur, de sa sécheresse et recommande à son mari de ne pas faire allusion à ses lettres vis-à-vis du général. Elle prie Victor de venir la chercher à Blois : « … nous partirions deux jours après, je retiendrais nos places, nous leur donnerions un prétexte quelconque ». Deux jours après, les choses s’aggravent : « … J’ai appris avec peine aujourd’hui des choses qui me prouvent que Mme Hugo nous supporte difficilement et qu’elle s’en plaint… il faut que tu écrives que des affaires que tu ne prévoyais pas te forcent de rentrer à Paris ».