Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/441

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exemple, le livre dont vous me tracez une si frappante esquisse[1] ? Moi, qu’une pensée, bonne ou mauvaise, entraîne plutôt vers les applications que vers les théories, je n’aurai sans doute jamais le temps de le faire, ce grand ouvrage, et d’ailleurs vous le feriez bien mieux que moi.

Au reste, monsieur, suivez librement la voie de votre organisation. Obéissez à votre démon. Vous avez tout ce qu’il faut pour tout faire, l’intelligence qui embrasse la création et l’imagination qui la féconde.

Le chêne est en vous ; laissez-le croître.

Victor Hugo.

Au moment de fermer ceci, je reçois mon Feuilleton d’Angers, où je lis la lettre que j’ai adressée à l’Académie provinciale[2]. Recevez, je vous prie, tous mes remercîments et transmettez-les à monsieur votre père. Vous serez bien aimable de me faire lire le Feuilleton d’Angers toutes les fois que vous y mettrez quelque chose de vous.

Mon adresse n’est pas 30 mais 90 [rue de Vaugirard].


À Monsieur le baron Taylor.


Ce samedi 13 [janvier 1827].

Mon cher Taylor, il vient de se faire une tragédie dans ma famille, et je n’ai pas besoin, je pense, de vous dire qu’elle n’est pas de moi.

Je n’eus jamais prétentions si hautes !

C’est mon jeune beau-frère, qui, (soit dit en passant), pousse l’attachement pour vous jusqu’à la passion, c’est Paul[3] qui est le coupable.

Or, je ne vous ferai pas ici l’éloge de cette tragédie, parce qu’il serait

  1. « S’il me reste un souhait à faire pour votre gloire, c’est que vous mettiez en œuvre un projet que vous énoncez indirectement dans votre dernier volume : poser les bases immuables du Romantisme, de cette poésie que l’on qualifie de nouvelle, parce qu’elle est renouvelée, mais qui peut dater sa naissance à partir du Fiat lux ; démontrer comment la Grèce avec son beau génie, pécha toujours par le fond, puisque sa poésie créa ses Dieux, tandis que la notre en découle ; comment nous sommes portes à replier tout en nous-mêmes, tandis qu’ils s’étalaient tout entiers au dehors ; comment enfin la poésie Romantique n’est autre chose que la poésie d’Homère et de Sophocle, mais retrempée à une source pure, mais régénérée aux eaux du Jourdain. C’est alors que le caractère du poète s’agrandit, qu’il n’écrit plus pour rimer, mais qu’il a une mission d’en haut, et que semblable à l’écho d’une grande voix, il transmet aux hommes des secrets, puisés dans la révélation d’une nature empreinte de Dieu. » (Lettre du 18 décembre 1826.)
  2. Réimprimée dans Littérature et Philosophie mêlées. Appendice. Édition de l’Imprimerie nationale.
  3. Paul Foucher publia une cinquantaine de drames, entre autres une adaptation de Notre-Dame de Paris, en 1850 ; des comédies, des vaudevilles ; il collabora à plusieurs journaux ; sous l’empire, il devint le correspondant politique de l’indépendance belge.