Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/449

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont dans le ravissement : David, Sainte-Beuve, Paul[1] en radotent. Je vais le faire lire à Émile Deschamps et à Ch. Nodier. Sainte-Beuve a fait aussi, lui, deux bien remarquables articles sur ce pauvre livre ; on les a refusés au Globe, dont les prosaïstes me gardent rancune[2]. Vous voyez qu’il y a de l’intolérance jusque chez les philosophes, et de la censure même chez les démocrates. Que voulez-vous encore ?

J’ai mille vœux de bonheur à vous envoyer ; car il n’y a rien à vous souhaiter du côté du talent. Soyez donc toujours l’orgueil de votre respectable père, et quant à moi je me fais un souhait de bonne année, c’est que vous veniez me voir en personne. Parlez-en, de grâce, à M. Pavie. Ora pro nobis.

Votre ami,
V. Hugo.


À Victor Pavie.


28 janvier 1828.


Nos lettres se croisaient, mon poëte. À l’heure où je lisais votre gentil message, vous lisiez, vous, mon griffonnage inextricable, mais n’importe ! votre amitié, n’est-il pas vrai, me devine quand vos yeux ne peuvent me déchiffrer, et, quand je vous écris, si la plume est mauvaise, le cœur est bon.

Savez-vous que je m’en veux de vous avoir écrit toute une page sans vous avoir dit encore que votre deuxième article est plus beau, s’il est possible, que le premier ; que vous êtes déjà mûr pour n’avoir que vingt ans !

Quelle verve ! quel éclat de style et d’idées ! Sainte-Beuve s’extasiait hier sur votre article ; il le sait par cœur, à la lettre, et le récite à tout le monde.

Il ne s’est pas fait en France de si remarquable article que le vôtre sur ce Cromwell ; il n’y a que les hauts articles des Reviews anglaises qui soient dignes d’être lus après les vôtres.

Pardon pour mon gâchis. Vous savez que notre David va tout à fait bien, qu’il sort, qu’il se promène au soleil et qu’il va reprendre ses travaux[3]. Je le vais voir tous les jours, pour le voir et pour causer de Victor d’Angers. Mille souvenirs de ma femme et de moi à votre excellent père. Je viens de marier mon frère aîné[4] ; quand vous serez marié, j’aurai une belle-sœur de plus.

Victor.
  1. Paul Foucher.
  2. En décembre 1827, Sainte-Beuve écrivait à Victor Hugo : « Je vous adresse, cher ami, un premier article sur Cromwell, le second sera copié demain ». Ces articles ont été perdus.
  3. David d’Angers avait été victime d’une agression le 7 janvier 1828 ; on avait craint pour sa vie.
  4. Abel Hugo épousa, le 20 décembre 1827, Julie Duvidal de Montferrier.