Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/469

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La censure a un manuscrit. Un manuscrit à sa discrétion, un manuscrit pour son bon plaisir. Elle en peut faire ce qu’elle veut. La censure est mon ennemie littéraire, la censure est mon ennemie politique. La censure est de droit improbe, malhonnête et déloyale. J’accuse la censure[1].

Je prie Son Excellence le Ministre de l’Intérieur de recevoir l’assurance du profond respect avec lequel je suis

Son très humble et très obéissant serviteur.

Victor Hugo[2].


À L. Vitet[3].

Vous êtes bien bon pour ces pauvres vers[4]. Faites-en tout ce que vous voudrez. J’attache le plus haut prix à l’approbation de vos amis du Globe, et donnez-leur ces strophes puisqu’ils les veulent. C’est de grand cœur que je les remets à leur disposition et c’est avec un vrai plaisir que je les sais aussi indulgents que vous. Mais je serai content surtout si vous m’en aimez un peu plus. Car après tout, c’est bien peu de chose, c’est un sou à la quête.

Votre ami,
Victor[5]
Ce 26 janvier [1830].


À Monsieur L. Vitet.

C’est encore moi, et c’est un petit service que je réclame de votre bonne amitié. Il serait ridicule que je parusse avoir moi-même communiqué ces vers au Globe. On peut donner un sou, mais il ne faut pas s’en vanter. Je

  1. L’un des censeurs, M. Brifaut, sans doute blâmé par le ministre, se défendit dans une lettre au Rédacteur du Moniteur, 6 mars 1830.
  2. Brouillon. Archives de la famille de Victor Hugo.
  3. Ludovic Vitet, critique d’art, homme politique, académicien, se destinait à l’enseignement qu’il quitta pour les lettres et entra au Globe en 1826. En 1831 il devint inspecteur des monuments historiques, puis secrétaire général du ministère du Commerce et conseiller d’État. Élu par l’Assemblée législative il siégea à l’extrême droite et fut, le 2 décembre 1851, nommé vice-président par l’assemblée qui essaya d’organiser la résistance au coup d’État. Il abandonna, pendant l’empire, la politique et se consacra aux études d’histoire, d’art et d’archéologie. Ses relations cordiales avec Victor Hugo cessèrent à partir du moment où le poète se rallia à la république.
  4. Le comité de secours de Canteleu avait demandé à Victor Hugo, par l’entremise de l’un de ses organisateurs, L. Vitet, des vers dont on vendrait des exemplaires imprimés pour venir en aide à des milliers d’ouvriers normands réduits au chômage et à la misère. Victor Hugo écrivit ces vers et les envoya à Vitet qui lui demanda l’autorisation de publier d’abord dans le Globe cette poésie intitulée alors l’Aumône et insérée en 1831 dans les Feuilles d’Automne sous le titre : Pour les pauvres. Le Globe la fit paraître le 3 février 1830 sous le titre : Pour les pauvres ouvriers de Bapaume et de Decauville.
  5. Collection de Mme  Aubry-Vitet.