Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/518

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c’est la vôtre. Je donnerais le reste du monde pour les Roches, et le reste des hommes pour votre famille. Adieu encore, c’est-à-dire à bientôt. Quand reviendrez-vous ?

Votre respectueux et dévoué collaborateur,

Victor.


À Monsieur Sainte-Beuve,
1ter, rue du Montparnasse.
13 novembre 1832.

Toute la salle est louée[1], mon ami, et louée je ne sais trop comment à je sais trop qui. Cela s’est fait si rapidement que je n’y ai vu que du feu. On a cependant réservé quelques loges pour ceux de mes amis qui voudraient en louer, et je suis heureux de pouvoir en faire céder une à Mme Allart[2]. Elle pourra, la veille de la représentation (qui aura lieu le 22), faire retirer les coupons de la loge n° 5 des secondes, côté gauche. La loge est à six places. Je vous garde une stalle, et je vous donnerai les deux billets que vous désirez. Que vous êtes bon de penser à moi et de m’aimer toujours un peu !

Le gentilhomme devient, en effet, fabuleux[3] ; mais que voulez-vous ? il faut le plaindre encore plus que le blâmer. Il sera bien ravi si le Roi s’amuse fait fiasco. C’est ainsi qu’il me paye les applaudissements frénétiques d’Othello.

Vous, vous êtes toujours le grand poëte et le bon ami. J’aurai grande joie à vous rencontrer un de ces dimanches soirs chez Nodier, peut-être dimanche prochain, n’est-ce pas ?

Votre vieil ami,

V.[4]
  1. Le Roi s’amuse fut représenté pour la première fois au Théâtre-Français le 22 novembre 1832.
  2. Hortense Allart avait prié Sainte-Beuve de demander pour elle une loge à Victor Hugo. Hortense Allart, femme de lettres, était moins connue par ses écrits que par ses aventures galantes dont la plus célèbre fut sa liaison avec Chateaubriand.
  3. Le gentilhomme, comme l’appelait Sainte-Beuve, était Alfred de Vigny. Une brouille, envenimée à plaisir par Sainte-Beuve, était née de cette phrase publiée par la Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1832 (Chronique littéraire, toujours anonyme) : « Drame, roman, poésie, tout relève aujourd’hui de cet écrivain », (Victor Hugo). — A. de Vigny, froissé, protesta par une note rectificative que le directeur de la Revue, Buloz, refusa d’insérer et que Sainte-Beuve finit par rédiger lui-même, tout en dénigrant, dans ses lettres à Victor Hugo, le gentilhomme.
  4. Archives Spoelberch de Lovenjoul.