Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/541

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À Mademoiselle Louise Bertin.


Voici, mademoiselle, la chanson de Quasimodo. Je l’ai faite la plus gaie que j’ai pu ; mais il me semble impossible qu’elle soit tout à fait folâtre. Vous en jugerez. Votre sens musical doit être, après tout, souverain, et mes rimes sont les très humbles servantes de vos notes.

Vous verrez que j’ai d’ailleurs rigoureusement rempli vos prescriptions. C’est toujours un grand bonheur pour moi de fournir un thème à votre pensée, une charpente à votre architecture, un canevas à votre broderie. Voilà de la grosse toile, couvrez-la d’arabesques d’or, c’est votre affaire.

Moi, je suis plus que jamais votre affectueux et dévoué ami.

Victor H.
[5 xbre 1833].


1834.


À Sainte-Beuve.


[4 février 1834.]
Mon ami,

Il faut être bien sûr des droits que donne une amitié comme la nôtre pour vous écrire ce que j’ai sur le cœur en ce moment. Mais j’aime encore mieux cela que le silence qui peut se mal interpréter. — J’ai lu votre article[1], qui est un des meilleurs que vous ayez jamais écrits, et il m’en est resté, comme de notre conversation de l’autre jour chez Güttinguer, une impression pénible dont il faut que je vous parle. J’y ai trouvé, mon pauvre ami (et nous sommes deux à qui il a fait cet effet), d’immenses éloges, des formules magnifiques, mais au fond, et cela m’attriste profondément, pas de bienveillance. J’aimerais mieux moins d’éloges et plus de sympathie. D’où cela vient-il ? Est-ce que nous en sommes là ? Interrogez-vous consciencieusement, et dites-moi si j’ai raison. Si j’ai tort, dites-le-moi aussi, et aussi durement que vous voudrez. Je serais si heureux que vous me prouvassiez que j’ai tort.

  1. Des mémoires de Mirabeau et de l’Étude de M. Victor Hugo à ce sujet. — Revue des Deux Mondes, 1er février 1834. Cet article, plus hostile à Victor Hugo qu’élogieux, parle « des succès fatigués de ses derniers drames », constate « ce qu’il y a de faussé dans sa puissance », et conclut : « Nous regrettons un certain souffle moral que nous n’avons nulle part senti circuler ».