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que j’aurai bâti. J’espère que mon nom sera un toit pour mes enfants.

Écris-moi donc, mon Adèle chérie, et bientôt et beaucoup. Je t’aimerai bien.

Ton bon vieux mari.
Victor.

Cette lettre-ci ne compte pas dans la série du Journal[1].


Pour mon Charlot.


Mayence, 1er octobre [1840].

Il faut, mon bon gros Charlot bien-aimé, que tu m’écrives une grande, grande lettre (à Trèves), que tu commenceras de bonne heure et que tu finiras tard. Tu sais combien je t’aime, cher enfant. Il me faut une grande lettre de toi. Tu me feras aussi ton petit journal, tu me diras comment tu as passé ton temps à Saint-Prix pendant les vacances et si, comme je l’espère, tu t’es préparé à la lutte de l’année prochaine au milieu des jeux et des journées de loisir. Je veux, mon Charlot chéri, que tu restes un bon garçon laborieux et un vaillant écolier. À propos, je vous avais donné une version à faire dans une de mes lettres. Ni toi, ni Toto, ne me l’avez envoyée. Maintenant voici les vacances presque finies ; vous n’avez plus que quelques jours de jeu, je vous fais grâce de ma version.

Si tu as lu mes lettres, mon Charlot, tu sais ce que c’est que le Chat et la Souris. Je donne le Chat à Toto, je t’envoie la Souris. Ici, c’est tout le contraire de la nature, la souris est beaucoup plus grosse et beaucoup plus terrible que le chat. Le jour où je l’ai dessinée, le ciel où elle se perdait avait quelque chose de violent et de tumultueux. Tu remarqueras au bas de la montagne voisine le masque du géant avec sa bouche ouverte. Je l’ai dessiné très exactement. Tu as ton géant fort ressemblant. Je fais tout cela avec bonheur, chers enfants, en pensant à vous, afin de vous amuser et de vous rendre heureux. Mes plaisirs d’un instant, comme mes travaux de toute la vie, c’est pour vous. Je ne sais pas trop dans quel état arriveront tous les dessins que je vous envoie. Les encres d’auberge changent de couleur du jour au lendemain avec une fâcheuse facilité.

J’ai beaucoup travaillé pendant ces vacances, mon Charlot ; j’espère que tu en as fait un peu autant de ton côté. J’ai sans cesse pensé à toi, mon gros bien-aimé ; j’espère que de ton côté tu as songé à ton petit papa qui t’aime du fond du cœur comme sa vie et plus que sa vie et qui t’embrasse sur tes deux bonnes joues.

V.[2]
  1. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Bibliothèque Nationale.