Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/258

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Dans ces deux livres, Dieu et la Fin de Satan, certes, et vous le savez bien, je n’oublierai pas la femme ; j’irai même au delà, de même que j’irai au delà de la terre. Ces deux ouvrages sont à peu près terminés ; pourtant je veux laisser quelque espace entre eux et les Contemplations. Je voudrais, si Dieu me donnait quelque force, emporter la foule sur de certains sommets ; pourtant, je ne me dissimule point qu’il y a là peu d’air respirable pour elle. Aussi, je veux la laisser reposer avant de lui faire essayer une nouvelle ascension.

Hélas ! je suis bien peu de chose, mais j’ai dans le cœur un profond amour de la liberté, qui est l’homme, et de la vérité, qui est Dieu.

Ce double amour est en vous comme en moi ; il est la vie de votre haut esprit ; et c’est avec bonheur que je vous serre la main.

Victor Hugo[1].


À Michelet.


Hauteville-House, 15 juin [1856].

Ex imo. Merci. C’est beau, ce livre[2] La vie y est profonde, la religion y souffre, l’humanité y palpite ; on y sent l’homme et Dieu. Je vous lis dans cette île peuplée par tous les exilés, où les celtes chassés ont précédé les huguenots bannis et où les huguenots bannis ont précédé les démocrates proscrits ; j’y retrouve, dans cette sombre formation, toutes les couches de la misère humaine, les expatriés, les excommuniés, les déshérités. Tout cela est aussi dans votre livre. Et quelle sympathie ! Et quelle tendresse ! Et quel cœur ! Vous êtes l’historien bon ; vous jetez sur cette douloureuse humanité d’immenses rayons d’âme. Un de ces rayons vient jusqu’à moi. Je vous remercie de la clarté, et encore plus de la chaleur. Cher grand esprit, si doux, je vous aime.

Victor Hugo[3].
  1. Copie faite à Mme  Drouet. Archives de la famille Victor Hugo.
  2. Les Guerres de religion.
  3. Musée Carnavalet.Jean-Marie Carré, Revue de France, 15 février 1924.