Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/370

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social mêlé par moments, comme cela doit être, au drame politique. Ce que vous dites des romans longs ne me paraît pas résulter des faits connus en librairie[1] ; peu de succès sont comparables au succès de Gil Blas, de Don Quichotte, de Clarisse Harlowe, trois romans longs. Le prix indiqué par moi est d’environ 30 000 fr. par volume. Pour une exploitation de huit ans, c’est un prix fort modéré. Une seule édition de N.-D. de Paris (la première édition illustrée, faite par Renduel, 1836) a été affermée par moi 60 000 fr. Les 12 000 fr. donnés par le traité Gosselin-Renduel pour deux volumes (3 150 ex. avec exploitation maximum d’une année) feraient pour huit années 96 000 fr. et appliquées à huit volumes pour le même laps de temps, 384 000 fr. ; prix fort supérieur à celui que je demande. Et l’exploitation Gosselin-Renduel est limitée ; elle ne peut dépasser un format ni un nombre. La vôtre serait illimitée. — Une seule obligation vous serait imposée, celle de servir aux acheteurs de mes œuvres complètes qui sont publiées dans les cinq ou six formats connus, les Misérables dans tous ces formats, afin qu’ils puissent les ajouter à leur exemplaire (une édition in-8o qui se prépare, devrait entre autres être complétée par vous de la sorte) mais cette clause est tout autant dans votre intérêt que dans le mien. Même non écrite, vous l’exécuteriez.

Quant à la longueur exacte du livre, je ne saurais la calculer en ce moment, puisque j’ai encore çà et là quelque chose à y ajouter. Ce sera, à coup sûr, plus du double de Notre-Dame de Paris.

Si M. Lacroix désire venir, je serai charmé de le voir. On fait plus de besogne en effet dans une heure de causerie que dans vingt lettres. Il verra le manuscrit, le voyage n’est rien. Quelque chose comme 200 fr. aller et retour. Il faut s’arranger de façon à être à Southampton un lundi, un mercredi ou un vendredi, on ne perd pas de temps, on est le lendemain matin à Guernesey. En partant d’Ostende le mardi soir, on est le mercredi matin à Londres et le mercredi soir à Southampton, le jeudi matin on débarque à Guernesey. Le packet de Southampton aux îles de la Manche ne fait que trois trajets par semaine.

Je crois, messieurs, avoir à peu près répondu à toute votre lettre. Permettez-moi de vous dire que, dans tous les cas, et quelle que soit la suite de la petite affaire entamée entre nous, je conserverai le plus agréable souvenir de ce commencement de relations.

Agréez, messieurs, la nouvelle assurance de mes sentiments très distingués.

Victor Hugo[2].
  1. Dans sa lettre du 14 septembre, Lacroix demandait la longueur approximative du roman et craignait les 8 ou 9 volumes prévus.
  2. Correspondance relative aux Misérables. Bibliothèque Nationale.