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À Max Buchon.


7 novembre 1863.

Je vous remercie, monsieur. Je vous dois la révélation de mon pays natal. Dans ces quelques pages charmantes[1], vous m’avez fait connaître la Franche-Comté. Je l’aime, cette vieille terre à la fois française et espagnole. Je n’ai guère fait qu’y naître, et elle m’est aujourd’hui fermée comme le reste de ma patrie. Je vous remercie de me l’avoir envoyée dans ce doux petit livre. Je la vois dans vos vers frais, vivants et vrais. Je vois le village, la prairie, la ferme, le bétail, le paysan, et aussi, ce qui est le vrai but du poëte, le dedans des cœurs. Dans ma solitude un peu âpre, sur mon rocher, dans mon tourbillon, face à face avec le sombre ciel d’hiver, côte à côte avec cet Océan qui est le plus redoutable des mécontents, vous m’avez fait vivre quelques heures d’une vie aimable. Je vous rends grâces, poëte.

Victor Hugo[2].


À Auguste Vacquerie[3].


8 9bre [1863].

Je ferme le livre[4], et je vous écris tout de suite, ému.

Quel X que le dénouement ! Il y a là une ombre inattendue et superbe. C’est neuf, c’est grand, c’est beau. L’impression est profonde. Cher Auguste, je vous ai accompagné d’un bout à l’autre d’un long bravo intérieur. J’avais noté, chemin faisant, les scènes fines et pathétiques, les mots charmants et touchants, mais il faudrait tout transcrire. J’y renonce. Andrée est exquise. Olivier est nouveau, farouche, imprévu, et vrai. Quel type que Jean Baudry ! la bonté forte, la puissance tendre, le robuste dans le doux. Soyez content. Toute l’œuvre est magistrale.

Je vous écris ceci dans un bruit de tempête qui va à votre drame, et qui ressemble à mon émotion.

I nunc !
V. H.
  1. Poésies franc-comtoises. 1862.
  2. Gazette des Beaux-Arts, décembre 1921.
  3. Inédite.
  4. Jean Baudry, représenté au Théâtre-Français le 19 octobre 1863.