Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome III.djvu/166

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en sûreté. Chez M. Poupart-Davyl, elles traînent sur les tables. Des bribes en arrivent aux journaux. Connaissez-vous une punaise appelée Francis Magnard ? cette punaise pue et pique je ne sais où, et aujourd’hui j’apprends par une attaque de cet insecte qu’un fragment de l’Homme qui Rit a paru dans les journaux. Rendez-moi le service de voir M. Lacroix, et de lui faire remarquer cette grosse maladresse. Mon livre doit arriver entier au public. De cette façon il se défendra, et je suis tranquille. Mais mon éditeur livrant mes épreuves, c’est fort ! — Grondez énergiquement M. Lacroix, je vous prie, en mon nom. Je n’ai pas le temps de lui écrire aujourd’hui, et je ne voudrais pas que la chose passât sans un sérieux avertissement. Soyez assez bon aussi pour veiller à ce que les indiscrétions (voisines de la trahison) de mon éditeur ne se renouvellent pas. Je retire le mot trahison et je le remplace par bêtise. Enfin, comme toujours, faites pour le mieux.

Vous êtes donc une trinité lisant mon œuvre ! j’en suis ravi et touché. Je serre la main de votre neveu[1], je me mets aux pieds de madame Ernest, je baise les petites pattes charmantes de Catherine, je vous serre, vous, dans mes bras. Je vous remercie avec toutes mes effusions. Je suis content que vous soyez content. Cher ami et cher maître, je suis à l’aise sous votre œil profond et sûr, car vous comprenez aussi puissamment que vous créez.

Oh ! je sais bien que je ne vieillis pas et que je grandis au contraire, et c’est à cela que je sens l’approche de la mort. Quelle preuve de l’âme ! mon corps décline, ma pensée croît ; sous ma vieillesse il y a une éclosion. Je me sens monter dans l’aurore inconnue. Je suis adolescent pour l’infini, et j’ai déjà l’âme dans cette jeunesse, le tombeau. Qu’ils sont aveugles, ceux qui disent que l’esprit est la résultante de la chair ! Ma chair s’en va, mon esprit augmente. — Pardon de cette métaphysique. Aimez-moi.

V.[2]

Ce qu’il faut à la page 135, c’est sépulcral. (Spectral a été mis par erreur.)[3]


À Albert Lacroix[4].


H.-H., 10 janvier.

Mon cher monsieur Lacroix, Auguste Vacquerie a dû vous dire ma très vive contrariété de la semaine passée. Je n’y reviens pas. Seulement vous voyez l’importance des précautions à prendre. M. Claye était très secret,

  1. Ernest Lefèvre.
  2. Bibliothèque Nationale.
  3. L’Homme qui Rit, édition originale.
  4. Inédite.