Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome III.djvu/278

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et m’émeut jusqu’à l’attendrissement. Vous terminez par une question. Je ne puis confier ma réponse à la poste, mais Jules Claretie vous la portera de vive voix. Il est ici depuis hier, il a déjeuné et dîné avec moi ; en rentrant à Paris il vous dira ce que j’ai dit. J’aime, et vous aimez aussi ce jeune esprit où il y a tant de cœur. Il vous répétera mes paroles. Vous verrez à quel point je suis prêt, mais je ne veux aller à Paris que pour un seul cas et pour une seule œuvre, héroïque celle-là. Paris appelant la Révolution au secours. Alors j’arrive. — Sinon, je reste.

[1]Certes, j’ai foi au résultat final. Je n’ai jamais cru à la France plus qu’en ce moment. Elle fera son œuvre, la République continentale, puis s’y dissoudra. Il ne peut sortir de cette guerre que la fin des guerres, et de cet affreux choc des monarchies que les États-Unis d’Europe. Vous les verrez. Je ne les verrai pas. Pourquoi ? C’est parce que je les ai prédits. J’ai, le premier, le 17 juillet 1851, prononcé (au milieu des huées) ce mot : les États-Unis d’Europe. Donc, j’en serai exclu. Jamais les Moïses ne virent les Chanaans.

Votre lettre m’a fait venir les larmes aux yeux. Comme vous m’aimez ! et comme je vous aime !

Oui, je crois comme vous que la réapparition du Rappel eut été utile. En ce moment-ci, être démocrate c’est être patriote. Défendre Paris, c’est défendre le monde. Homo sum, donc je défends Paris.

Que je voudrais vous voir !

Charles, Claretie et Frédérix partent en ce moment pour Virton. On se bat tout près de là, à Carignan. Ils vont voir, de la bataille, ce qu’ils pourront[2].


À Hippolyte Lucas.


15 septembre 1870.

Cher confrère, je reconnais là votre vieille et forte amitié[3]. Je vous remercie du fond du cœur ; je tiens en réserve votre offre excellente pour ma bru et pour mes deux petits-enfants. Quant à moi, je suis venu à Paris

  1. On ne trouve, dans les lettres originales remises à la Bibliothèque Nationale, que la seconde page de la lettre du 1er septembre 1870, à partir de : Certes, j’ai foi au résultat final. Au verso de cette seconde page, Paul Meurice a écrit : « 1er 7bre 70. J’ai donné la première page de cette lettre à Jules Claretie. » Nous avons collationné la première page chez Mme Georges Claretie.
  2. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.
  3. Hippolyte Lucas, alors conservateur de la Bibliothèque de l’Arsenal, y avait offert asile à Victor Hugo et à sa famille.