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Au même[1].


[12 mai 1839.]

Je vous déclare, mon poëte, que votre esprit ne s’est jamais mieux porté, vous venez de m’en envoyer une magnifique preuve. Rétablissez donc bien vite le corps, et revenez-nous, car lorsqu’on a lu des vers de vous, une lettre ne suffit pas pour vous dire ce qu’on en pense, on a besoin de vous serrer la main.

C’est qu’il y a dans votre poésie, comme dans toute poésie vraie, un accent profond, convaincu et puissant. Plus on vous lit, plus on vous aime. Vos vers sont beaux, et ils sont bons, — bons de la bonté du cœur.

Ma maison est triste en ce moment ; ma femme vient d’être un peu souffrante, mais elle va mieux, et je l’entends d’ici qui fait réciter sa leçon à mademoiselle Dédé. Encore un jour ou deux, et tout sera en bon état parmi nous. Il ne nous manquera plus que votre santé et votre présence. — Deux choses qui nous sont bien chères, vous le savez, n’est-ce pas?

À bientôt, regardez vos herbes vertes, vos belles eaux de la Seine, vos pommiers en fleurs, et pensez un peu à nous.

Votre ami.

V. H.[2]


À Madame de Girardin[3].


Samedi 10 août.

Il y a des siècles que je ne vous ai vue, Madame, et je m’en fais toutes sortes de reproches ; mais plaignez-moi beaucoup ; d’abord, je ne vous vois pas, ce qui me laisse fort ennuyé ; ensuite, je travaille énormément, ce qui me rend fort ennuyeux. Pour ces deux raisons ayez pitié de moi.

Vous nous avez fait à tous une charmante visite ce matin ; de temps en temps vous envoyez votre esprit à vos amis leur dire bonjour ; où le public ne voit que de ravissants feuilletons, je vois, moi, des lettres exquises ; le public vous voit écrire, moi, je vous entends causer ; où la foule n’aperçoit que des points et des virgules, moi, je vois des regards et des accents, qui se répandent sur le style et qui n’y gâtent rien, je vous assure. — Il est certain, prenez cette déclaration comme vous voudrez, que j’aime prodi-

  1. Inédite.
  2. Bibliothèque Nationale.
  3. Inédite.