Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome IV.djvu/298

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Vous vous occupez, je pense, de Paris, et de la double édition qu’il est temps de commencer ; l’édition petit format bon marché, clichée, de façon à tirer selon les besoins, est de la plus haute importance. Le succès immédiat est là. Et ne communiquez le manuscrit à personne. Il y a des gens qui se vantent de l’avoir lu. Vous ne m’avez rien répondu à ce sujet.

Croyez-moi bien votre ami.

V. H.[1]


À Charles[2].


25 février.
Confidentielle.

Ta note, mon Charles bien-aimé, nous parvient, nous l’avons lue en famille, ta mère, Victor et moi. Et il nous a été impossible de la comprendre. Mon enfant chéri, ôte-toi de l’esprit cette fantasmagorie d’espionnage, aussi peu digne de toi que de nous. Tous les faits que tu reproduis dans ton énumération, et dont tu te plains, sont nouveaux pour moi, à l’exception d’un seul, l’avis relatif à l’affaire A. Cet avis m’a été donné par un avoué, mon ancien condisciple, indirectement mêlé à l’affaire A, lequel avoué m’a écrit ce jour-là pour la première et la dernière fois. Je t’aurais envoyé sa lettre s’il ne me l’avait pas signalée et recommandée comme tout à fait confidentielle. Tu te souviens que ma lettre à toi l’était également, et je te prie de garder sur le détail que je te donne ici un silence absolu. L’avis, quoique portant à faux, était dicté par ce que cet avoué croyait ton intérêt et le mien, et nous ne devons pas mal payer cette sollicitude. Il n’a écrit qu’à moi, sans relation antérieure et sans intermédiaire, et je vais déjà trop loin en te disant tout ceci. Mais je tiens à dissiper absolument dans ton esprit ce fantôme grotesque d’une police paternelle autour de toi. Je t’aime avec mes entrailles, ma sollicitude te couve, ma vie t’appartient, mon âme, après ma mort, veillera sur toi ; voilà toute ma police.

Écoute-moi bien quand je parle, car c’est avec toute la vérité de mon cœur, il n’y a pas à Guernesey autour de moi un seul être qui ne t’aime profondément, je n’entends de toute part que ton éloge, et dans les termes les plus enthousiastes et les plus passionnés. Si les oreilles doivent te tinter, c’est des mots : bon, noble, courageux, grand esprit, grand cœur, répétés sans cesse. J’avais gardé pour moi l’avis transmis par l’avoué, et je n’en avais parlé qu’à ta mère. Tu as effacé tout de suite cette inquiétude. Il ne reste donc plus rien.

  1. Correspondance relative aux Misérables. — Bibliothèque Nationale.
  2. Inédite.