Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/300

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qu’elles puissent se réveiller. N’est-ce pas scandaleux ? Ne faut-il pas accuser le prêtre de la dégradation de l’église et de la profanation des tombeaux ? Quant à moi, si j’avais à tracer aux prêtres leur devoir, je le ferais en deux mots : Pitié pour les vivants, piété pour les morts.

Au milieu, entre les quatre galeries du cloître, les débris et les décombres obstruent un petit coin, jadis cimetière, où les hautes herbes, le jasmin sauvage, les ronces et les broussailles croissent, et se mêlent, on pourrait presque dire, avec une joie inexprimable. C’est la végétation qui saisit l’édifice ; c’est l’œuvre de Dieu qui l’emporte sur l’œuvre de l’homme.

Pourtant cette joie n’a rien de méchant ni d’amer. C’est l’innocente et royale gaieté de la nature. Rien de plus. Au milieu des ruines et des herbes, mille fleurs s’épanouissent. Douces et charmantes fleurs ! Je sentais leurs parfums venir jusqu’à moi, je voyais s’agiter leurs jolies têtes blanches, jaunes et bleues, et il me semblait qu’elles s’efforçaient toutes à qui mieux mieux de consoler ces pauvres pierres abandonnées.

D’ailleurs, c’est la destinée. Les moines s’en vont avant les prêtres, et les cloîtres s’écroulent avant les églises.

De Saint-André, je suis allé à Saint-Michel… — Mais on m’appelle, la voiture de Bayonne va partir, je vous dirai la prochaine fois ce qui m’est arrivé dans cette visite à Saint-Michel.

Tour de Saint-Michel. — Bordeaux.