Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/402

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femme semblaient être une sorte de trinité et ne faire qu’un. Les deux sexes et l’édifice, c’était un symbole auquel rien ne manquait. Le prêtre avait été fort, et était brisé, la femme avait été belle, et était flétrie, l’édifice avait été complet, et était mutilé. L’homme vieilli dans sa chair et dans son œuvre adorant Dieu en présence de ce soleil éblouissant que rien n’attiédit, que rien n’éteint, que rien ne ride, que rien n’altère, dites, ne trouvez-vous pas que cela était grand ?

J’étais ému jusqu’au fond du cœur. Aucune pensée discordante ne sortait de ce mélancolique contraste ; je sentais au contraire qu’une inexprimable unité s’en dégageait. Certes, il n’y a qu’un mystère bien insondable et bien profond qui puisse unir ainsi dans une intime et religieuse harmonie la décrépitude incurable de la créature et l’éternelle jeunesse de la création.

La messe finie, je me suis retourné et j’ai vu le chœur, qui dans les églises du nord de l’Espagne fait face à l’autel.

Le chœur de la cathédrale de Pampelune, haute et sombre menuiserie du seizième siècle, se compose de deux rangs de stalles qui occupent les trois côtés d’un carré long, dont une grille en fer, magnifique serrurerie du même temps, remplit et ferme le quatrième côté. Derrière chaque stalle est sculpté en plein dans le chêne un des saints de la liturgie. Tout ce bois est coupé du ciseau souple et spirituel de la renaissance. Au milieu du petit côté du carré qui fait face à la grille et par conséquent à l’autel, se dresse le trône de l’évêque surmonté d’un charmant clocheton à jour. L’évêque actuel de Pampelune, qui vivait peu d’accord avec Espartero, est en ce moment en France, à Pau, je crois, où il s’est réfugié depuis deux ans.

J’étais fatigué d’avoir marché toute la matinée, je me suis assis sur ce trône vacant. Un trône ! ne trouvez-vous pas ce lieu de repos singulièrement choisi ? Je l’ai fait pourtant. Le livre de chœur de l’évêque était devant moi sur son pupitre. Je l’ai ouvert. Il était déchiré presque à chaque page.

La grille du chœur, dans laquelle des anges voltigent et des guivres se tordent comme dans un feuillage magique, fait face à la grille du maître-autel. L’art du quinzième siècle et l’art du seizième sont en présence, tous deux avec leurs caractères les plus tranchés et les plus contraires ; l’un est plus délicat, l’autre est plus copieux ; on ne sait quel est le plus charmant.

Au centre du chœur, une autre grille de fer, qui ressemble à une grande cage, recouvre et protège, tout en le laissant voir, le cénotaphe de Charles III d’Évreux, roi de Navarre.

C’est un admirable tombeau du quinzième siècle, qui serait digne d’être à Bruges avec les tombes de Marie de Flandre et de Charles le Téméraire, à Dijon avec les tombes des ducs de Bourgogne, ou à Brou avec les tombes