Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/308

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« Si, au contraire, vous avez encore confiance en moi, donnez-moi les moyens d’accomplir la grande mission que je tiens de vous.

« Cette mission consiste à fermer l’ère des révolutions en satisfaisant les besoins légitimes du peuple et en le protégeant contre les passions subversives. Elle consiste surtout à créer des institutions qui survivent aux hommes et qui soient enfin des fondations sur lesquelles on puisse asseoir quelque chose de durable.

« Persuadé que l’instabilité du pouvoir, que la prépondérance d’une seule Assemblée sont des causes permanentes de trouble et de discorde, je soumets à vos suffrages les bases fondamentales suivantes d’une Constitution que les Assemblées développeront plus tard :

« 1° Un chef responsable, nommé pour dix ans ;

« 2° Des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul ;

« 3° Un conseil d’État formé des hommes les plus distingués, préparant les lois et en soutenant la discussion devant le Corps législatif ;

« 4° Un Corps législatif discutant et votant les lois, nommé par le suffrage universel, sans scrutin de liste qui fausse l’élection ;

« 5° Une seconde Assemblée formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques.

« Ce système, créé par le premier consul au commencement du siècle, a déjà donné à la France le repos et la prospérité ; il les lui garantirait encore.

« Telle est ma conviction profonde. Si vous la partagez, déclarez-le par vos suffrages. Si, au contraire, vous préférez un gouvernement sans force, monarchique ou républicain, emprunté à je ne sais quel passé ou à quel avenir chimérique, répondez négativement.

« Ainsi donc, pour la première fois depuis 1804, vous voterez en connaissance de cause, en sachant bien pour qui et pour quoi.

« Si je n’obtiens pas la majorité de vos suffrages, alors je provoquerai la réunion d’une nouvelle Assemblée, et je lui remettrai le mandat que j’ai reçu de vous.

« Mais si vous croyez que la cause dont mon nom est le symbole, c’est-à-dire la France régénérée par la Révolution de 89 et organisée par l’Empereur, est toujours la vôtre, proclamez-le en consacrant les pouvoirs que je vous demande.

« Alors la France et l’Europe seront préservées de l’anarchie, les obstacles s’aplaniront, les rivalités auront disparu, car tous respecteront, dans l’arrêt du Peuple, le décret de la Providence.

«Fait au palais de l’Elysée, le 2 décembre 1851.

«Louis-Napoléon Bonaparte. »