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PROCLAMATION
DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE À L'ARMÉE

« Soldats !

« Soyez fiers de votre mission ; vous sauverez la patrie, car je compte sur vous, non pour violer les lois, mais pour faire respecter la première loi du pays : la souveraineté nationale, dont je suis le légitime représentant.

« Depuis longtemps vous souffriez comme moi des obstacles qui s’opposaient et au bien que je voulais faire et aux démonstrations de vos sympathies en ma faveur. Ces obstacles sont brisés.

« L’Assemblée a essayé d’attenter à l’autorité que je tiens de la nation entière, elle a cessé d’exister.

« Je fais un loyal appel au Peuple et à l’armée et je leur dis : Ou donnez-moi les moyens d’assurer votre prospérité, ou choisissez un autre à ma place.

« En 1830 comme en 1848, on vous a traités en vaincus. Après avoir flétri votre désintéressement héroïque, on a dédaigné de consulter vos sympathies et vos vœux, et cependant vous êtes l’élite de la nation. Aujourd’hui, en ce moment solennel, je veux que l’armée fasse entendre sa voix.

« Votez donc librement comme citoyens ; mais comme soldats, n’oubliez pas que l’obéissance passive aux ordres du chef du gouvernement est le devoir rigoureux de l’armée, depuis le général jusqu’au soldat.

« C’est à moi, responsable de mes actions devant le peuple et devant la postérité, de prendre les mesures qui me semblent indispensables pour le bien public.

« Quant à vous, restez inébranlables dans les règles de la discipline et de l’honneur. Aidez, par votre attitude imposante, le pays à manifester sa volonté dans le calme et la réflexion.

« Soyez prêts à réprimer toute tentative contre le libre exercice de la souveraineté du peuple.

« Soldats, je ne vous parle pas des souvenirs que mon nom rappelle. Ils sont gravés dans vos cœurs. Nous sommes unis par des liens indissolubles. Votre histoire est la mienne. Il y a entre nous, dans le passé, communauté de gloire et de malheur.

« Il y aura dans l’avenir communauté de sentiments et de résolutions pour le repos et la grandeur de la France.

«Fait au palais de l’Elysée, le 2 décembre 1851.

«Signé : L.-N. Bonaparte. »