Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/100

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trouvâmes dans la rue. Nous franchîmes la barricade et nous nous en éloignâmes à grands pas. Nous passâmes près du vieillard mort. Il était toujours là, gisant sur la pavé, vaguement éclairé par la lueur incertaine des fenêtres ; il semblait dormir. Comme nous atteignions la seconde barricade, nous entendîmes derrière nous les soldats qui revenaient.

Nous parvînmes à rentrer dans les terrains en démolition. Là nous étions en sûreté. Un bruit de mousqueterie arrivait toujours jusqu’à nous. Le formier disait : – On se bat du côté de la rue de Cléry. Sortis des démolitions, nous fîmes le tour des Halles, non sans péril de tomber dans des patrouilles, par une foule de circuits, et de petite rue en petite rue. Nous gagnâmes la rue Saint-Honoré.

Au coin de la rue de l’Arbre-Sec, nous nous séparâmes, le formier et moi ; – car en effet, me dit-il, deux courent plus de danger qu’un. – Et je regagnai mon numéro 19 de la rue Richelieu.

En traversant la rue des Bourdonnais, nous avions aperçu le bivouac de la place Saint-Eustache. Les troupes parties pour l’attaque n’y étaient pas encore rentrées. Quelques compagnies seulement le gardaient. On entendait des éclats de rire. Les soldats se chauffaient à de larges feux allumés çà et là. Dans le feu qui était le plus près de nous on distinguait au milieu du brasier des roues de voitures qui avaient servi aux barricades. De quelques-unes, il ne restait qu’un grand cercle de fer rouge.