Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/21

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II. L’Intérieur du comité

Dès l’aube, nous étions réunis dans la maison de notre collègue prisonnier, M. Grévy. On nous avait installés dans son cabinet. Nous étions, Michel (de Bourges) et moi, assis près de la cheminée ; Jules Favre et Carnot écrivaient, l’un sur la table près de la fenêtre, l’autre sur un pupitre à écrire debout. La gauche nous avait investis d’un pouvoir discrétionnaire. Se rassembler en séance devenait à chaque instant plus impossible. Nous rendîmes en son nom et nous remîmes à Hingray, pour qu’il l’imprimât immédiatement, le décret suivant, rédigé à la hâte par Jules Favre :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ

« Les représentants du peuple, soussignés, demeurés libres, réunis en assemblée de permanence extraordinaire ;

» Vu l’arrestation de la plupart de leurs collègues, vu l’urgence,

» Considérant que le crime de Louis-Napoléon Bonaparte, en abolissant par la violence l’action des pouvoirs publics, rétablit la nation dans l’exercice direct de la souveraineté, et que tout ce qui entrave actuellement cette souveraineté doit être annulé,

» Considérant que toutes les poursuites commencées, toutes les condamnations prononcées à quelque titre que ce soit pour crimes et délits politiques, sont anéanties par le droit imprescriptible du peuple,

»DÉCRÈTENT :

»ARTICLE PREMIER. Sont abolies dans tous leurs effets criminels ou civils toutes poursuites commencées, toutes condamnations prononcées pour crimes ou délits politiques.

» ART. 2. En conséquence, il est enjoint à tout directeur des maisons d’arrêt ou de détention de mettre immédiatement en liberté toutes les personnes retenues en prison pour les causes indiquées ci-dessus.

» ART. 3. Il est également enjoint à tous officiers de parquet et de police judiciaire, sous peine de forfaiture, de mettre à néant toutes les poursuites commencées pour les mêmes causes.