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XII. La Barricade de la mairie du Ve arrondissement

Les gardes nationaux en uniforme remplissaient la cour de la mairie du Ve arrondissement. Il en survenait à chaque instant. Un ancien tambour de la garde mobile avait pris une caisse dans une salle basse à côté du corps de garde et s’était mis à battre le rappel dans les rues environnantes. Vers neuf heures un groupe de quatorze ou quinze jeunes gens, la plupart en blouse blanche, entra dans la mairie en criant : Vive la République ! Ils étaient armés de fusils. La garde nationale les accueillit par les cris : A bas Louis Bonaparte ! On fraternisa dans la cour. Tout à coup un mouvement se fit. C’étaient les représentants Doutre et Pelletier qui arrivaient.

— Que faut-il faire ? cria la foule.

— Des barricades, dit Pelletier.

On se mit à dépaver.

Une grosse charrette chargée de sacs de farine descendait du faubourg et passait devant la porte de la mairie. On détela les chevaux que le charretier emmena, et l’on tourna la charrette, sans la renverser, en travers de la large chaussée du faubourg. La barricade fut complétée en un instant. Un camion survint. On le prit et on le dressa contre les roues de la charrette, comme on pose un paravent devant une cheminée.

Le reste était futailles et pavés. Grâce au chariot de farine, la barricade était haute et montait jusqu’au premier étage des maisons. Elle coupait le faubourg à l’angle même de la petite rue Saint-Jean. On avait ménagé à la barricade une gorge étroite sur le coin de rue.

— Une barricade ne suffit pas, dit Doutre, il faut placer la mairie entre deux barrages pour pouvoir se défendre des deux côtés à la fois.

On construisit une autre barricade tournée vers le haut du faubourg. Celle-ci, basse et faible, faite seulement de planches et de pavés. Cent pas environ séparaient les deux barricades. Il y avait trois cents hommes dans cet espace. Cent seulement avaient des fusils. La plupart n’avaient qu’une cartouche.

La fusillade commença vers dix heures. Deux compagnies de ligne parurent et firent quelques feux de peloton. C’était une fausse attaque. La barricade riposta et eut le tort d’épuiser étourdiment ses munitions. La ligne se retira. Alors l’attaque véritable se fit, les chasseurs de Vincennes débouchèrent du coin du boulevard.