Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/59

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Ils se mirent, selon la tactique africaine, à ramper le long des murs, puis ils prirent leur course et se lancèrent sur la barricade.

Plus de munitions dans la barricade. Pas de quartier à attendre.

Ceux qui n’avaient plus ni poudre ni balles jetèrent leurs fusils. Quelques-uns voulurent reprendre position dans la mairie, mais il était impossible de s’y défendre, elle était ouverte et dominée de toutes parts ; ils escaladèrent les murs et se dispersèrent dans les maisons voisines ; d’autres s’échappèrent par la gorge de la barricade qui donnait sur la rue Saint-Jean ; la plupart des combattants gagnèrent le revers de la barricade opposée, et ceux qui avaient encore une cartouche firent du haut des pavés une dernière décharge sur les assaillants. Puis ils attendirent la mort. On les tua tous.

Un de ceux qui parvinrent à se glisser dans la rue Saint-Jean, où du reste ils essuyèrent un feu de peloton des assaillants, était M. H. Coste, rédacteur de l’Evènement et de l’Avènement du Peuple.

M. Coste avait été capitaine dans la garde mobile. A un coude que fait la rue et qui le mit hors de la portée des balles, M. Coste aperçut devant lui l’ancien tambour de la garde mobile qui s’était échappé comme lui par la rue Saint-Jean et qui profitait de la solitude de la rue pour se débarrasser de sa caisse.

— Garde ta caisse, lui cria-t-il.

— Pourquoi faire ?

— Pour battre le rappel.

— Où ?

— A Batignolles.

— Je la garde, dit le tambour.

Ces deux hommes sortaient de la mort et consentaient immédiatement à y rentrer.

Mais comment traverser tout Paris avec cette caisse ? La première patrouille qui les rencontrerait les fusillerait. Un portier d’une maison voisine qui vit leur embarras leur donna une serpillière. Ils en enveloppèrent la caisse, et gagnèrent Batignolles par les rues désertes qui avoisinent le mur de ronde.