Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Philosophie, tome I.djvu/103

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L’ordre sous la tyrannie, c’est, dit Alfieri quelque part, une vie sans âme.


L’idée de Dieu et l’idée du roi sont deux et doivent être deux. La monarchie à la Louis XIV les confond au détriment de l’ordre temporel, au détriment de l’ordre spirituel. Il résulte de ce monarchisme une sorte de mysticisme politique, de fétichisme royaliste, je ne sais quelle religion de la personne du roi, du corps du roi, qui a un palais pour temple et des gentilshommes de la chambre pour prêtres, avec l’étiquette pour décalogue. De là toutes ces fictions qu’on appelle droit divin, légitimité, grâce de Dieu, et qui sont tout au rebours du véritable droit divin, qui est la justice ; de la véritable légitimité, qui est l’intelligence ; de la véritable grâce de Dieu, qui est la raison. Cette religion des courtisans n’aboutit à autre chose qu’à substituer la chemise d’un homme à la bannière de l’église.


Nous sommes dans le moment des peurs paniques. Un club, par exemple, effraie, et c’est tout simple ; c’est un mot que la masse traduit par un chiffre : 93. Et, pour les basses classes, 93, c’est la disette ; pour les classes moyennes, c’est le maximum ; pour les hautes classes, c’est la guillotine.

Mais nous sommes en 1830.


La république, comme l’entendent certaines gens, c’est la guerre de ceux qui n’ont ni un sou, ni une idée, ni une vertu, contre quiconque a l’une de ces trois choses.

La république, selon moi, la république, qui n’est pas encore mûre, mais qui aura l’Europe dans un siècle, c’est la société souveraine de la société ; se protégeant, garde nationale ; se jugeant, jury ; s’administrant, commune ; se gouvernant, collège électoral.

Les quatre membres de la monarchie, l’armée, la magistrature, l’administration, la pairie, ne sont pour cette république que quatre excroissances gênantes qui s’atrophient et meurent bientôt.