Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Philosophie, tome I.djvu/42

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En ces dix lignes littéraires, la révolution est caractérisée. Des lois immorales dignement vantées dans d’immorales parades ; des opéras-comiques sur les morts. Cependant je n’aurais point dû prostituer le noble nom de poëtes aux auteurs de ces farces lugubres ; la guillotine, et non le théâtre, était alors pour les poëtes.

Après l’odieux vient le risible. Tournez la page. Vous êtes à une séance des jacobins. En voici le début : « La section de la Croix-Rouge, craignant que cette dénomination ne perpétue le poison du fanatisme, déclare au conseil qu’elle y substituera celle de la section du Bonnet-Rouge... » Je proteste que la citation est exacte.

Veut-on à la fois de l’atroce et du ridicule ? Qu’on lise une lettre du représentant Dumont à la Convention, en date du 1er octobre 1793 : « Citoyens collègues, je vous marquais, il y a deux jours, la cruelle situation dans laquelle se trouvaient les sans-culottes de Boulogne, et la criminelle gestion des administrateurs et officiers municipaux. Je vous en dis autant de Montreuil, et j’ai usé en cette dernière ville de mon excellent remède — la guillotine. — Après avoir ainsi agi au gré de tous les patriotes, j’ai eu le doux avantage d’entendre, comme à Montreuil, les cris répétés de vive la Montagne ! Quarante-quatre charrettes ont emmené devant moi les personnes… »

Le Moniteur, livre si fécond en méditations, est à peu près le seul avantage que nous avons retiré de trente ans de malheurs. Notre révolution de boue et de sang a laissé un monument unique et indélébile, un monument d’encre et de papier.




L’hermine de premier président du parlement de Paris fut plus d’une fois ensanglantée par des meurtres populaires ou juridiques ; et l’histoire recueillera ce fait singulier, que le premier titulaire de cette charge, Simon de Bucy, pour qui elle fut instituée en 1440, et le dernier qui en fut revêtu, Bochard de Saron, furent tous deux victimes des troubles révolutionnaires. Fatalité digne de méditation !




Tout historien qui se laisse faire par l’histoire, et qui n’en domine pas l’ensemble, est infailliblement submergé sous les détails.

Sindbad le marin, ou je ne sais quel autre personnage des Mille et une Nuits, trouva un jour, au bord d’un torrent, un vieillard exténué qui ne pouvait