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ODES ET BALLADES.


« Ô débris ! ruines de France,
Que notre amour en vain défend,
Séjours de joie ou de souffrance,
Vieux monuments d’un peuple enfant !
Restes, sur qui le temps s’avance !
De l’Armorique à la Provence,
Vous que l’honneur eut pour abri !
Arceaux tombés, voûtes brisées !
Vestiges des races passées !
Lit sacré d’un fleuve tari !

« Oui, je crois, quand je vous contemple,
Des héros entendre l’adieu ;
Souvent, dans les débris du temple,
Brille comme un rayon du dieu.
Mes pas errants cherchent la trace
De ces fiers guerriers dont l’audace,
Faisait un trône d’un pavois ;
Je demande, oubliant les heures,
Au vieil écho de leurs demeures
Ce qui lui reste de leur voix.

« Souvent ma muse aventurière,
S’enivrant de rêves soudains,
Ceignit la cuirasse guerrière
Et l’écharpe des paladins ;
S’armant d’un fer rongé de rouille,
Elle déroba leur dépouille
Aux lambris du long corridor ;
Et, vers des régions nouvelles,
Pour hâter son coursier sans ailes,
Osa chausser l’éperon d’or.

« J’aimais le manoir dont la route
Cache dans les bois ses détours,
Et dont la porte sous la voûte