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LA LIBERTÉ.

Le vautour remplaçait l’aigle à son Capitole.
L’enfer peuplait son Panthéon.

Le Supplice hagard, la Torture écumante,
Lui conduisaient la Mort comme une heureuse amante.
Le monstre aux pieds foulait tout un peuple innocent ;
Et les sages menteurs, aux pompeuses doctrines,
Soutenaient ses pas lourds, quand, parmi les ruines,
Il chancelait, ivre de sang !

Mêlant les lois de Sparte aux fêtes de Sodome,
Dans tous les attentats cherchant tous les fléaux,
Par le néant de l’âme il croyait grandir l’homme,
Et réveillait le vieux chaos.
Pour frapper leur couronne osant frapper leur tête,
Des rois, perdus dans la tempête,
Il brisait le trône avili ;
Et, de l’éternité lui laissant quelque reste,
Daignait à Dieu, muet dans son exil céleste,
Offrir un échange d’oubli.

IV



Et les sages disaient : « Gloire à notre sagesse !
Voici les jours de Rome et les temps de la Grèce !
Nations, de vos rois brisez l’indigne frein.
Liberté ! N’ayez plus de maîtres que vous-même ;
Car nous tenons de toi notre pouvoir suprême,
Sois donc heureux et libre, ô peuple souverain !… »

Tyrans adulateurs ! caresses mensongères !
Ô honte ! Asie, Afrique, où sont tous vos sultans ?
Que leurs sceptres sont doux, et leurs chaînes légères,
Près de ces bourreaux insultants !
Rends gloire, ô foule abjecte en tes fers assoupie,