Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
LA MORT DE Mlle DE SOMBREUIL.

Elle est avec ses sœurs, anges purs et charmants,
Ces vierges qui, jadis, sur la croix attachées,
Ou, comme au sein des fleurs sur des brasiers couchées,
S’endormirent dans les tourments.

Sa vie était un pur mystère
D’innocence et de saints remords ;
Cette âme a passé sur la terre
Entre les vivants et les morts.
Souvent, hélas ! l’infortunée,
Comme si de sa destinée
La mort eût rompu le lien,
Sentit, avec des terreurs vaines,
Se glacer dans ses pâles veines
Un sang qui n’était pas le sien !


II



Ô jour où le trépas perdit son privilège,
Où, rachetant un meurtre au prix d’un sacrilège,
Le sang des morts coula dans son sein virginal !
Entre l’impur breuvage et le fer parricide,
Les bourreaux poursuivaient l’héroïne timide
D’une insulte funèbre et d’un rire infernal !

Son triomphe est dans son supplice.
Elle a, levant ses yeux au ciel,
Bu le sang au même calice
Où Jésus mourant but le fiel.
Oh ! que d’amour dans ce courage !…
Mais, quand périrent dans l’orage
Ses parents, que la France a plaints,
Pour consoler l’auguste fille
Dieu lui confia sa famille
Et de veuves et d’orphelins.