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ODES ET BALLADES.


Du tombeau tout franchit la porte.
L’homme, hélas ! que le temps emporte,
En vain contre lui se débat.
Rien de Dieu ne trompe l’attente ;
Et la vie est comme une tente
Où l’on dort avant le combat.

Voilà, tristes mortels, ce que leur âme oublie !
L’urne des ans pour tous n’est pas toujours remplie.
Mais qu’ils passent en paix sous le ciel outragé !
Qu’ils jouissent des jours dans leurs frêles demeures !
Quand dans l’éternité leur sort sera plongé,
Les insensés en vain s’attacheront aux heures,
Comme aux débris épars d’un vaisseau submergé.

Adieu donc ce luth qui soupire !
Muse, ici tu n’as plus d’empire,
Ô muse aux concerts immortels !
Fuis la foule qui te contemple ;
Referme les voiles du temple ;
Rends leur ombre aux chastes autels.

Je vous rapporte, ô Dieu ! le rameau d’espérance. —
Voici le divin glaive et la céleste lance ;
J’ai mal atteint le but où j’étais envoyé.
Souvent, des vents jaloux jouet involontaire,
L’aiglon suspend son vol, à peine déployé ;
Souvent, d’un trait de feu cherchant en vain la terre,
L’éclair remonte au ciel sans avoir foudroyé.


1823.