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ODES ET BALLADES.

En tous lieux portait son flambeau ;
Tout chargé de faisceaux, de sceptres, de couronnes,
Ce vaste ravisseur d’empires et de trônes
Ne put usurper un tombeau !

Tombé sous la main qui châtie,
L’Europe le fit prisonnier.
Premier roi de sa dynastie,
Il en fut aussi le dernier.
Une île où grondent les tempêtes
Reçut ce géant des conquêtes,
Tyran que nul n’osait juger,
Vieux guerrier qui, dans sa misère,
Dut l’obole de Bélisaire
À la pitié de l’étranger.

Loin du sacré tombeau qu’il s’arrangeait naguère,
C’est là que, dépouillé du royal appareil,
Il dort enveloppé de son manteau de guerre,
Sans compagnon de son sommeil.
Et, tandis qu’il n’a plus de l’empire du monde
Qu’un noir rocher battu de l’onde,
Qu’un vieux saule battu du vent,
Un roi longtemps banni, qui fit nos jours prospères,
Descend au lit de mort où reposaient ses pères,
Sous la garde du Dieu vivant.

III



C’est au gré de l’humble qui prie,
Le Seigneur, qui donne et reprend,
Rend à l’exilé sa patrie,
Livre à l’exil le conquérant !
Dieu voulait qu’il mourût en France,
Ce roi si grand dans la souffrance,