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AU COLONEL G.-A. GUSTAFFSON.


— « Qu’importe ? dit la foule. Ah ! laissons les tempêtes
Naître, grossir, tonner sur ces sublimes têtes ;
Pourvu que chaque jour amène son festin,
Que toujours le soleil rayonne pour nos fêtes,
Et qu’on nous laisse en paix couler notre destin,
Oublier jusqu’au soir, dormir jusqu’au matin !

« Que le crime s’élève et que l’innocent tombe,
Qu’importe ? — Des héros sont morts ? paix à leur tombe !
Et nous-mêmes… qui sait si demain nous vivrons ?
Quand nous aurons atteint le terme où tout succombe,
Nous dirons : Le temps passe ! et nous ignorerons
Quels vents ont amené l’orage sur nos fronts. »

II



Ce ne sont point là tes paroles,
Toi dont nul n’a jamais douté,
Toi qui sans relâche t’immoles
Au culte de la Vérité !
Victime, et vengeur des victimes,
Ton cœur aux dévouements sublimes
S’offrit en tout temps, en tout lieu ;
Toute ta vie est un exemple,
Et ta grande âme est comme un temple
D’où ne sort que la voix d’un Dieu.

Il suffit de ton témoignage
Pour que tout mortel, incliné,
Aille rendre un public hommage
À ce qu’il avait profané.
Ta bouche, pareille au temps même,
N’a besoin que d’un mot suprême