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LES DEUX ÎLES.


« Il a bâti si haut son aire impériale,
Qu’il nous semble habiter cette sphère idéale
Où jamais on n’entend un orage éclater !
Ce n’est plus qu’à ses pieds que gronde la tempête ;
Il faudrait, pour frapper sa tête,
Que la foudre pût remonter ! »

IV



La foudre remonta ! — Renversé de son aire,
Il tomba, tout fumant de cent coups de tonnerre.
Les rois punirent leur tyran.
On l’exposa vivant sur un roc solitaire ;
Et le géant captif fut remis par la terre
À la garde de l’océan.

Oh ! comme à Sainte-Hélène il dédaignait sa vie,
Quand le soir il voyait, avec un œil d’envie,
Le soleil fuir sous l’horizon,
Et qu’il s’égarait seul sur le sable des grèves,
Jusqu’à ce qu’un anglais, l’arrachant de ses rêves,
Le ramenât dans sa prison !

Comme avec désespoir ce prince de la guerre
S’entendait accuser par tous ceux qui naguère
Divinisaient son bras vainqueur !
Car des peuples ligués la clameur solennelle
Répondait à la voix implacable, éternelle,
Qui se lamentait dans son cœur !