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ODES ET BALLADES.


ODE QUATRIÈME.

LE DÉVOUEMENT.


In urbe omne mortalium genus vis pestilentiæ depopulabatur, nulla cœli intemperies quæ occurreret oculis. Sed domus corporibus exanimis, itinera funeribus complebantur ; non sexus, non ætas periculo vacua.
Tacite.


Dans la ville, la peste dévorait tout ce qui meurt ; aucun nuage dans le ciel ne s’offrait aux yeux ; mais les maisons étaient pleines de corps sans vie, les voies de funérailles. Ni le sexe ni l’âge n’étaient exempts du péril.


I

 
Je rends grâce au Seigneur : il m’a donné la vie !
La vie est chère à l’homme, entre les dons du ciel ;
Nous bénissons toujours le Dieu qui nous convie
Au banquet d’absinthe et de miel.
Un nœud de fleurs se mêle aux fers qui nous enlacent ;
Pour vieillir parmi ceux qui passent,
Tout homme est content de souffrir ;
L’éclat du jour nous plaît ; l’air des cieux nous enivre.
Je rends grâce au Seigneur : — c’est le bonheur de vivre
Qui fait la gloire de mourir !

Malheureux le mortel qui meurt, triste victime,
Sans qu’un frère sauvé vive par son trépas,
Sans refermer sur lui, comme un romain sublime,
Le gouffre où se perdent ses pas !