Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
397
ESSAIS ET POÉSIES DIVERSES.

Du vaste sein de l’antre un des taureaux gémit.
Le fiel de la fureur bouillonne au cœur d’Alcide ;
Terrible, il court, il prend sa massue homicide.
Pour la première fois on vit Cacus trembler,
Son front hideux pâlir et ses yeux se troubler.
Hercule, au haut du mont, s’élance plein de rage.
Cacus l’évite, et fuit vers son antre sauvage ;
Aussi prompt que le vent, redoutant le trépas,
Il s’échappe ; la peur précipite ses pas[1].

Le noir géant détache une roche pesante
Dont Vulcain suspendit la masse menaçante ;
Sa main brise le fer, rompt les chaînes d’airain,
Et le roc en tombant ferme le souterrain.
Mais Hercule le voit : il court, frémit de rage,
Et de ses yeux errants cherche au loin un passage.
En vain de la caverne il tente d’approcher ;
Trois fois son bras robuste ébranle le rocher ;
Trois fois, d’un pas rapide, il parcourt la montagne,
Et trois fois fatigué s’assied dans la campagne.

Un roc, triste séjour des sinistres oiseaux,
S’inclinait vers la gauche et menaçait les eaux ;
Et ses flancs escarpés et sa cime orgueilleuse
Couvraient de l’antre obscur la voûte ténébreuse ;
Pour le déraciner rassemblant ses efforts,
Le dieu sur son bras droit penche son vaste corps,
Pèse, l’ébranle enfin ; la masse qui s’écroule
Dans la plaine à grand bruit tombe, bondit et roule.
D’un fracas prolongé l’air au loin retentit,
Dans les flots écumants la rive s’engloutit,
Le fleuve épouvanté recule… L’antre sombre,
Par les feux du soleil voit dissiper son ombre.
Si la terre brisait ses vieux flancs entr’ouverts,
Tels s’offriraient à nous les ténébreux enfers,
Le gouffre craint des dieux, et les pâles fantômes,
Tremblant de voir le jour dans ces mornes royaumes.

  1. Variant, plus conforme au texte :

    Au haut de l’Aventin, soudain il a volé,
    Et, vers son antre obscur, poursuit Cacus troublé ;
    Son pied, du pied qui fuit, presse et remplit l’empreinte ;
    Alors le monstre apprend à connaître la crainte,
    Il s’échappe, la peur précipite ses pas.

    (Note du manuscrit)